Scénario 2023-2024 – Inde : de la croissance, mais les vieux démons ne sont jamais loin

Scénario 2023-2024 – Inde

En résumé

La "crise de la tomate" qu'a traversé l'Inde en juillet rappelle encore une fois l'extrême vulnérabilité du pays aux dérèglements climatiques et à la hausse des prix alimentaires qui peut en découler. Alors que des pluies diluviennes et des attaques de nuisibles avaient détruit une grande partie des récoltes, l'indice des prix à la consommation, constitué à 50% de produits alimentaires, a brutalement accéléré, passant de 4,9% à 7,4% en glissement annuel entre juin et juillet.

Le calme est revenu en août sur le marché de la tomate, mais les inquiétudes autour de l'oignon ou de céréales comme le blé ou le riz ne sont pas éteintes. Là est tout le paradoxe de l'Inde, qui accueillait début septembre "son" sommet du G20 dans une ville de Delhi vidée et débarrassée pour l'occasion de ses signes de pauvreté les plus visibles. 

Une croissance bien orientée, toujours tirée par la demande

La croissance indienne va se poursuivre : après 6,7% en 2022, elle devrait légèrement ralentir pour se situer autour de 6% en 2023. Dans tous les cas, au jeu des comparaisons de chiffres avec la Chine, l'Inde devrait durablement prendre l'avantage. Les pressions inflationnistes vont cependant peser sur la croissance du troisième trimestre, malgré les interventions du gouvernement pour bloquer certains prix, et l'inflation devrait se situer autour de 5,8% à la fin de l'année. Pour autant, c'est toujours de la consommation des ménages que viendra l'essentiel de la croissance. Les ventes de deux roues et de voitures, reflet du niveau de la demande indienne, continuent par exemple d'enregistrer une croissance à deux chiffres.

Du côté du commerce extérieur, l'Inde connaît comme la plupart des pays asiatiques un ajustement de sa balance commerciale, lié au ralentissement de la demande mondiale. Le niveau des exportations, qui atteignait en août 405 milliards de dollars sur douze mois, demeure supérieur à l'avant Covid (en moyenne, 325 milliards de dollars sur douze mois), tout comme celui des importations (660 milliards sur douze mois, contre 400 milliards avant le Covid), renchéri par les prix de l'énergie. Le déficit commercial indien dépasse donc toujours les 250 milliards de dollars, même s'il s'est légèrement résorbé ces derniers mois, grâce à la baisse du prix du pétrole au premier semestre. 

Qu'attendre du policy-mix ?

Après une phase de dépréciation entre 2021 et 2022, surtout liée à l'appréciation du dollar face à l'ensemble des autres devises, la roupie indienne s'est stabilisée autour de 83 roupies pour un dollar et ce, malgré l'accélération de l'inflation cet été. Confrontée à une inflation essentiellement conjoncturelle et sans conséquence sur le change, la banque centrale indienne a décidé de maintenir inchangé son taux directeur à 6,5% afin de ne pas pénaliser l'activité. Le retour à une politique monétaire plus accommodante ne devrait pas se matérialiser avant la fin du premier trimestre 2024. 

Quant au budget 2023-2024, il cible un déficit à 5,9% du PIB, légèrement consolidé par rapport aux 6,4% de l'année fiscale précédente. Avec un accent mis sur la défense et le développement des transports, l'heure n'est pas encore à la réduction des dépenses : les prochaines élections législatives auront lieu au printemps 2024.

Article publié le 6 octobre 2023 dans notre trimestriel Monde – Scénario macro-économique 2023-2024 : un équilibre délicat

 

Scénario 2023-2024 – Inde

Du côté du commerce extérieur, l'Inde connaît comme la plupart des pays asiatiques un ajustement de sa balance commerciale, lié au ralentissement de la demande mondiale. Le niveau des exportations, qui atteignait en août 405 milliards de dollars sur douze mois, demeure supérieur à l'avant Covid (en moyenne, 325 milliards de dollars sur douze mois), tout comme celui des importations (660 milliards sur douze mois, contre 400 milliards avant le Covid), renchéri par les prix de l'énergie.

Sophie WIEVIORKA, Economiste - Asie (hors Japon)