France – Un marché du travail étonnamment robuste, enfin une hausse des salaires en termes réels

France – Un marché du travail étonnamment robuste

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Les données publiées par l'Insee pour le premier trimestre 2024 témoignent d'une vigueur persistante du marché du travail, en dépit du ralentissement de l'activité. L'emploi salarié privé a ainsi légèrement rebondi, et le chômage s'est stabilisé. Les résultats provisoires de la Dares suggèrent par ailleurs une progression toujours soutenue des salaires de base sur un an, et surtout une progression enfin significative de leur pouvoir d'achat au premier trimestre en lien avec le processus de désinflation.

Au premier trimestre 2024, l'emploi salarié du secteur privé a augmenté de 0,2% d'après l'estimation flash de l'Insee, après -0,1% au quatrième trimestre 2023. Ce rebond s'explique par celui de l'emploi salarié privé dans le tertiaire marchand (+0,4% hors intérim (1)  après -0,1% le trimestre précédent). L'emploi intérimaire diminue pour sa part moins fortement que le trimestre précédent (-0,2% après -1,7%). L'emploi salarié privé (hors intérim) diminue de nouveau dans la construction (-0,5% après -0,2%) et se replie dans l'agriculture (-0,3% après +0,6%). Il augmente en revanche de nouveau dans l'industrie (+0,2% après +0,3%). L'emploi salarié privé total est ainsi en hausse de 0,5% par rapport à son niveau d'un an auparavant, et de 6,2% par rapport à celui d'avant la crise sanitaire (fin 2019, soit +1,2 million d'emplois).

Le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT)(2)  est stable au premier trimestre 2024, à 7,5% de la population active pour la France (hors Mayotte) d'après l'Insee. Il est ainsi en légère hausse (+0,4 point) par rapport à son point bas depuis 1982 atteint au quatrième trimestre 2022 et au premier trimestre 2023, mais reste inférieur à son niveau d'avant la crise sanitaire (-0,9 point par rapport à l'année 2019), et surtout à son pic de mi-2015 (-3 points). Le taux de chômage est également stable pour la France métropolitaine, à 7,3%. Du côté des points positifs, on observe une progression du taux d'activité (+0,4 point) et du taux d'emploi (+0,3 point) ce trimestre, à leur plus haut niveau depuis que l'Insee les mesure (1975). En outre, le sous-emploi et le halo autour du chômage, qui représentent les personnes contraintes dans leur offre de travail en plus de celles au chômage, diminuent légèrement ce trimestre, et le nombre moyen d'heures travaillées par emploi rebondit quelque peu (+0,3% après -0,6%, à 31,3 heures par semaine, données cvs-cjo (3)). Le taux de chômage de longue durée est pour sa part stable, à 1,8% de la population active. Élément moins positif, la part des jeunes de 15 à 29 ans qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en études (NEET) augmente légèrement (+0,1 point à 12,6%) et se situe un peu au-dessus de son niveau d'il y a un an et de l'avant-crise sanitaire.     

D'après l'estimation provisoire de la Dares, les salaires de base ralentissent au premier trimestre 2024, mais ils progressent enfin significativement en termes réels. Le salaire mensuel de base (SMB) augmente ainsi de 3,3% sur un an, après 3,9% au quatrième trimestre 2023. Son pouvoir d'achat (4) progresse pour sa part de 1% en glissement annuel, soit nettement plus qu'au quatrième trimestre 2023 (+0,1%). L'indice des salaires négociés de la Banque de France du premier trimestre 2024, également publié début mai, augmente pour sa part de 3,5% en glissement annuel, soit une hausse de 1,2% en termes réels. L'évolution d'ensemble des salaires, qu'ils soient mesurés par le SMB ou les salaires négociés, va donc désormais de concert avec celle du SMIC sur un an (celui-ci augmente de 3,4% en termes nominaux et de 1,1% en termes réels au premier trimestre 2024). La hausse du SMIC avait été proportionnellement plus forte que celle des autres salaires entre fin 2021 et 2023, en lien avec son indexation automatique sur l'inflation.

Notre opinion – Les données de salaires au premier trimestre confirment à la fois une décélération en termes nominaux et une accélération en termes réels. La première est rassurante sur l'absence de spirale prix-salaires, et sur la poursuite du processus de désinflation à l'avenir, en particulier concernant les services dont les prix sont très sensibles à l'évolution des salaires (en raison d'une intensité en main-d'œuvre relativement forte). La seconde, conjuguée à la légère hausse de l'emploi salarié privé (un peu supérieure à celle que nous anticipions), a soutenu le pouvoir d'achat des ménages au premier trimestre. Les salaires sont de surcroît une source de revenus plus susceptible d'être consommée que d'autres sources de revenus comme les revenus de la propriété (qui sont relativement plus souvent épargnés). Ces facteurs expliquent l'accélération de la consommation des ménages, à +0,4% d'après la première estimation des comptes nationaux du premier trimestre 2024, après +0,2% au quatrième trimestre 2023. Les points-clés de notre scénario semblent donc se confirmer.

Article publié le 17 mai 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

(1) Quelle que soit l'activité de l'entreprise où ils effectuent leurs missions, les intérimaires sont comptabilisés dans le secteur de l'intérim qui les rémunère, soit au sein du tertiaire marchand.
(2) Un chômeur au sens du BIT est une personne de 15 ans ou plus, sans emploi au cours de la semaine de référence, disponible pour travailler sous deux semaines et qui a effectué une démarche active de recherche d'emploi dans le mois écoulé ou a trouvé un emploi commençant dans les trois mois.
(3) Corrigées des variations saisonnières et des jours ouvrés.
(4) Nous déflatons ici les indices de salaires par l'IPC total. La Dares utilise pour sa part l'IPC hors tabac.

France – Un marché du travail étonnamment robuste

Les données de salaires au premier trimestre confirment à la fois une décélération en termes nominaux et une accélération en termes réels. La première est rassurante sur l'absence de spirale prix-salaires, et sur la poursuite du processus de désinflation à l'avenir, en particulier concernant les services dont les prix sont très sensibles à l'évolution des salaires (en raison d'une intensité en main-d'œuvre relativement forte). La seconde, conjuguée à la légère hausse de l'emploi salarié privé (un peu supérieure à celle que nous anticipions), a soutenu le pouvoir d'achat des ménages au premier trimestre. Les salaires sont de surcroît une source de revenus plus susceptible d'être consommée que d'autres sources de revenus comme les revenus de la propriété (qui sont relativement plus souvent épargnés). Ces facteurs expliquent l'accélération de la consommation des ménages, à +0,4% d'après la première estimation des comptes nationaux du premier trimestre 2024, après +0,2% au quatrième trimestre 2023. Les points-clés de notre scénario semblent donc se confirmer.

Marianne PICARD, Economiste - France