France – Ce que l'on sait du projet de loi de finances pour 2025

France – Ce que l'on sait du projet de loi de finances pour 2025

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Le gouvernement a envoyé mercredi 2 octobre ses prévisions macroéconomiques et de finances publiques au Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Celles-ci constituent les bases du projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Le déficit public s'établirait ainsi à plus de 6% du PIB cette année (!), et le gouvernement prévoit ensuite un effort budgétaire de 60 milliards d'euros (Md€) l'an prochain, constitué en deux tiers de baisses de dépenses et un tiers de hausses de prélèvements obligatoires. Le gouvernement ambitionne ainsi de ramener le déficit à 5% du PIB en 2025.

Concernant les prévisions macroéconomiques et de finances publiques, les documents officiels ne sont pas encore publiés, et les informations présentées dans cet article sont donc tirées de la presse (Les Echos). Il faudra attendre l'avis imminent du HCFP pour connaître les premiers éléments détaillés, puis le traditionnel Rapport économique, social et financier (RESF) 2025, d'habitude publié tout début octobre, mais dont la publication a été retardée compte tenu du contexte assez inédit. Pour le PLF en lui-même, il faudra attendre la présentation en Conseil des Ministres prévue le 10 octobre, puis les débats à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Au sujet des prévisions macroéconomiques tout d'abord, le gouvernement table sur une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 1,1% en volume en 2024 et 1,1% en 2025 (cvs-cjo(1)), comme en 2023. Si le chiffre de 1,1% fait désormais relativement consensus pour cette année, la prévision de 1,1% de croissance en 2025 peut paraître légèrement optimiste au vu de l'ampleur des ajustements prévus sur les finances publiques. L'inflation au sens de l'indice des prix à la consommation (IPC) diminuerait pour sa part à 2,1% en moyenne annuelle cette année (après 4,9% en 2023), puis à 1,8% en 2025. La prévision d'inflation du gouvernement pour 2025 semble ainsi élevée, alors que l'inflation a diminué à 1,2% en glissement annuel en septembre d'après les résultats provisoires de l'Insee, et qu'une baisse des tarifs réglementés de vente de l'électricité d'au moins 10% (2) est prévue pour début février 2025. Pour comparaison, notre prévision s'élève à 1,2%, soit un écart de 0,6 point. Cette prévision d'inflation élevée du gouvernement pourrait ainsi se refléter sur le déflateur du PIB et gonfler la prévision de PIB en valeur (d'autant qu'elle est associée à une prévision de PIB réel légèrement optimiste). Or, c'est justement ce PIB en valeur qui est utilisé pour le calcul des ratios de déficit et de dette des administrations publiques (APU). Cet effet dénominateur pourrait donc venir abaisser les prévisions de finances publiques du gouvernement en pourcentage du PIB.

En termes de finances publiques, le gouvernement anticipe un déficit de 6,1% du PIB en 2024, soit nettement plus que prévu dans le PLF pour 2024 à l'automne 2023 (4,4%), et sensiblement plus que prévu dans le programme de stabilité au printemps 2024 (5,1%). Ce chiffre représente ainsi un nouveau dérapage des finances publiques, après celui connu l'an dernier où le déficit avait finalement atteint 5,5% du PIB, contre une prévision de 4,9% à l'automne 2023. En cause cette année, des dépenses plus soutenues que prévu (notamment de la part des collectivités territoriales) et des recettes un peu inférieures à ce qui était anticipé (3). Aucun projet de loi de finances rectificative (PLFR) n'a en effet été passé cette année pour sécuriser des économies, malgré la dérive annoncée. Le gouvernement prévoit ensuite un déficit public ramené à 5% du PIB en 2025, ce qui sous-tend un effort très substantiel compte tenu du fait que sans mesure corrective, celui-ci pourrait augmenter à environ 7% du PIB à cet horizon.

L'effort prévu de 60 Md€ sur les finances publiques en 2025 reposerait en majorité sur les dépenses, avec 40 Md€ d'économies prévues. Ces économies concerneraient pour moitié l'État, avec de probables coupes dans les effectifs des ministères. Les opérateurs d'État seraient également amenés à contribuer à l'effort à hauteur de 1 Md€, et les aides aux entreprises seraient aussi revues en baisse. Concernant les autres APU, la Sécurité sociale serait en particulier ciblée, avec près de 15 Md€ d'économies programmées, soit plus d'un tiers de l'effort total en dépenses. L'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) fixé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 n'augmenterait en effet que de 2,8% l'an prochain, soit moins que cette année (3,2%). Les retraités contribueraient à l'effort, alors que la revalorisation des pensions de retraite sur l'inflation passée, qui intervient d'habitude au 1er janvier, serait décalée au 1er juillet, générant ainsi 3 Md€ d'économies. Les collectivités locales ne seraient pas en reste, avec environ 5 Md€ d'économies prévues.

Enfin, la hausse des prélèvements obligatoires représenterait 20 Md€ de recettes supplémentaires pour les APU en 2025. La plus grande partie de l'effort reposerait sur les entreprises, avec selon nos informations une surtaxe exceptionnelle d'impôt sur les sociétés (IS) pour les plus grandes (environ 300 entreprises seraient concernées, pour des recettes prévues à 8 Md€ en 2025), le maintien de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui devait disparaître (1,4 Md€), et une baisse des allègements de charge sur les bas salaires (5 Md€). Des taxes « vertes » sont aussi prévues, avec notamment côté entreprises une contribution exceptionnelle des armateurs (1 Md€) et une hausse des prélèvements sociaux sur les produits issus des jeux d'argent (0,5 Md€), mais aussi un durcissement du malus automobile et une taxation accrue des billets d'avion (1 Md€) qui devraient plutôt reposer sur les ménages. Les ménages les plus aisés devraient par ailleurs être mis à contribution (2 Md€), avec une mesure probablement sous la forme d'un niveau d'imposition minimal, censée concerner seulement 0,3% des contribuables français d'après les annonces (la contribution de si peu de ménages face à l'ampleur de l'effort requis nous laisse assez dubitatifs), avec un seuil de déclenchement de 500 000 euros de revenus annuels pour un ménage sans enfant. Un gel du barème de l'impôt sur le revenu aurait en revanche été écarté.

Notre opinion – Les prévisions de finances publiques du gouvernement pour 2025 semblent ambitieuses, alors que le déficit public doit être ramené à 5% du PIB. Les objectifs d'économies en dépenses et de hausses de prélèvements obligatoires associés sont ainsi considérables, avec d'une part un risque de peser sur la croissance si ces objectifs étaient vraiment atteints, et d'autre part un risque assez évident que ceux-ci ne soient tout simplement pas pleinement réalisés. En pondérant ces risques, nous tablons ainsi sur une croissance légèrement inférieure à celle prévue par le gouvernement l'an prochain (1%) et une réduction du déficit déjà importante, mais moindre qu'anticipée par le gouvernement, à 5,5% du PIB en 2025 (après un déficit de 6,1% du PIB cette année), avec également une prévision d'inflation qui nous semble plus réaliste, comme déjà discuté ci-dessus.
Nous attendons en tout cas avec impatience la trajectoire à moyen terme de la France en matière de finances publiques, qui doit être envoyée à la Commission européenne fin octobre (la France devait initialement envoyer son plan le 20 septembre comme les autres pays, mais elle a obtenu un délai supplémentaire compte tenu du contexte politique).

(1) Données corrigées des variations saisonnières et des jours ouvrés.
(2)   Cette baisse pourrait finalement être inférieure à 10% du fait d’une hausse plus importante qu’initialement prévu de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), mais elle resterait de l’ordre de 9% même dans ce cas de figure.
(3) Voir à ce sujet notre article : Un nouveau Premier ministre, des défis majeurs en termes de finances publiques 

Article publié le 4 octobre 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

France – Ce que l'on sait du projet de loi de finances pour 2025

Les prévisions de finances publiques du gouvernement pour 2025 semblent ambitieuses, alors que le déficit public doit être ramené à 5% du PIB. Les objectifs d'économies en dépenses et de hausses de prélèvements obligatoires associés sont ainsi considérables, avec d'une part un risque de peser sur la croissance si ces objectifs étaient vraiment atteints, et d'autre part un risque assez évident que ceux-ci ne soient tout simplement pas pleinement réalisés. En pondérant ces risques, nous tablons ainsi sur une croissance légèrement inférieure à celle prévue par le gouvernement l'an prochain (1%) et une réduction du déficit déjà importante, mais moindre qu'anticipée par le gouvernement, à 5,5% du PIB en 2025 (après un déficit de 6,1% du PIB cette année), avec également une prévision d'inflation qui nous semble plus réaliste.

Marianne PICARD, Economiste - France, Belgique et Luxembourg