France – De nombreux indicateurs sans véritable surprise, l'emploi en prend pour son grade

France – De nombreux indicateurs sans véritable surprise

Lire l'article

De nombreux indicateurs macroéconomiques ont été publiés la semaine dernière, en particulier les résultats détaillés des comptes nationaux du quatrième trimestre 2024 avec des éléments sur les comptes des ménages et des entreprises, et des données sur l'emploi. De premiers indicateurs nous donnent également un avant-goût du premier trimestre 2025, avec l'évolution de la consommation des ménages en biens en janvier, et celle de la confiance et de l'inflation en février. Tour d'horizon des principales informations à retenir.

L'Insee a confirmé vendredi 28 février que le PIB s'était bien replié de 0,1% en volume au quatrième trimestre 2024 par rapport au troisième (après +0,4% le trimestre précédent). Ce léger repli est notamment lié au contrecoup de l'effet des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, qui avaient dopé la croissance au troisième trimestre. Par rapport à la première estimation publiée fin janvier1, la contribution de la demande intérieure finale à la croissance est revue en baisse de 0,1 point, à +0,2 point. Cela s'explique par la révision à la baisse (-0,1 point) de l'évolution des dépenses de consommation des ménages (à +0,3%). L'évolution de l'investissement total (formation brute de capital fixe) n'est pour sa part pas révisée (à -0,1%), même si elle est révisée légèrement à la baisse pour les seules entreprises non financières (-0,1 point, à -0,2%). La contribution du commerce extérieur à la croissance est en revanche revue à la hausse de 0,2 point, à +0,0 point, en raison de la révision à la hausse de l'évolution des exportations (+0,6 point, à +0,4%) et à la baisse de l'évolution des importations (-0,1 point, à +0,4%). Enfin, la contribution des variations de stocks à la croissance est revue en baisse de 0,2 point, à -0,3 point. La croissance annuelle pour 2024, corrigée des variations saisonnières et des effets des jours ouvrables, est donc confirmée à 1,1% (comme en 2023).

Les résultats détaillés des comptes nationaux trimestriels nous apportent également des éléments sur les comptes des ménages et des entreprises. Le revenu disponible brut (RDB) nominal des ménages patine au quatrième trimestre 2024, à +0,1% t/t (après +1,1% au troisième trimestre). En termes réels, c'est-à-dire une fois corrigé de l'inflation (via le déflateur de la consommation), celui-ci ralentit nettement, à +0,2% (après +1,0%). La consommation des ménages en volume progressant légèrement plus que le pouvoir d'achat, le taux d'épargne des ménages diminue très légèrement (-0,1 point), à 18,4%. Ce niveau reste très élevé, nettement supérieur à celui qui prévalait avant la crise sanitaire (14% en moyenne entre 2015 et 2019). Le taux de marge des sociétés non financières fléchit à peine, à 32,2% (après 32,4% au troisième trimestre). Ce léger repli est lié à la progression des salaires en termes réels, malgré une hausse du prix de la valeur ajoutée et une stabilité du prix de la consommation. Ce niveau reste sensiblement supérieur au taux de marge qui prévalait avant la crise sanitaire (environ 30% en 2018, et 31% en 2019).

D'après les comptes nationaux trimestriels, l'emploi total est resté stable au quatrième trimestre 2024 (après +0,1% au troisième trimestre), et l'emploi salarié se replie à peine (-0,1%, après +0,0%). Les heures travaillées par emploi diminuent quelque peu (-0,1%), et donc le nombre total d'heures travaillées aussi (-0,2%). L'Insee a également publié l'estimation trimestrielle détaillée de l'emploi salarié au quatrième trimestre 2024. La principale différence entre l'emploi dans les comptes nationaux et celui issu des estimations d'emploi est que le premier est mesuré en moyenne sur le trimestre, tandis que le second est mesuré en fin de trimestre. Les données issues des estimations d'emploi sont donc plus volatiles, mais peuvent aussi constituer des indicateurs avancés des évolutions sur le marché du travail. Selon ces dernières données, l'emploi salarié s'est replié de 0,3% au quatrième trimestre 2024 (après +0,1% le trimestre précédent), retrouvant ainsi son niveau d'un an plus tôt. Cette baisse résulte d'un repli de l'emploi salarié dans le secteur privé (-0,3% après +0,1%) ainsi que dans la fonction publique (-0,4% après +0,3%). Par rapport à l'estimation flash de début février, l'évolution de l'emploi salarié dans le secteur privé est donc révisée à la baisse de 0,1 point. Dans le privé hors intérim2, l'emploi salarié diminue en particulier dans la construction (-0,6%), et le secteur tertiaire à la fois sur les champs marchand (-0,2%) et non marchand, alors qu'il est quasi stable dans l'agriculture (+0,1%) et dans l'industrie (-0,1%). En outre, la baisse de l'emploi intérimaire se renforce ce trimestre (-2,3% après  0,8%). L'emploi salarié total reste toutefois supérieur de 4,9% à son niveau d'avant la crise sanitaire (fin 2019), soit +1,3 million d'emplois (pour le seul secteur privé, la hausse est de 5,5%, soit 1,1 million d'emplois). Par tranche d'âge, l'emploi salarié n'augmente que pour les seniors ce trimestre (+0,2% pour les 55 ans ou plus), tandis qu'il baisse pour les autres (-0,4% pour les 15-29 ans, et -0,5% pour les 30-54 ans). Par type de contrat, les emplois à durée indéterminée (-0,2%) subissent une baisse moins marquée que les CDD (-1,5%), tandis que les contrats en alternance se redressent un peu (+0,4% après -2,5%).

Les données sur les dépenses de consommation mensuelles des ménages en biens viennent d'être publiées par l'Insee pour janvier 2024. Celles-ci se replient de 0,5% en volume, mais cette baisse ne compense pas totalement la hausse qui avait été enregistrée le mois précédent (+0,7%). Dans le détail, la consommation en biens fabriqués se replie sensiblement (-2,4% après +1,9%), tandis que la consommation alimentaire rebondit (+1,4% après -1,6%) et que celle en énergie décélère (+0,2% après +2,4%). La baisse de la consommation en biens fabriqués s'explique par le recul des achats de biens durables (-3,9% après +2,9%), avec en particulier un repli pour les matériels de transport et plus précisément les motos et voitures neuves, après la forte hausse constatée en décembre en lien avec des évolutions réglementaires, et également le repli des dépenses en habillement-textile (-1,7% après +1,6%). Rappelons que les biens ne représentent qu'environ 40% de la consommation des ménages (contre 60% pour les services).

L'inflation au sens de l'indice des prix à la consommation (IPC) a diminué à 0,8% en glissement annuel en février, après 1,7% en janvier, d'après les résultats provisoires de l'Insee. Cette baisse de 0,9 point en glissement annuel, largement liée à la baisse des prix de l'électricité, ne nous surprend pas puisque cela correspond sensiblement à ce que nous avions estimé dans notre article de la semaine dernière. L'inflation sur un an s'établit ainsi en-deçà de 1% pour la première fois depuis février 2021.

En février, la confiance des ménages regagne un point, à 93, d'après la publication récente de l'Insee. L'indicateur reste certes en-deçà de sa moyenne historique (100), mais il est en hausse depuis décembre, où il s'établissait à 89. Dans le détail, les soldes d'opinion3 relatifs à la situation financière passée et future des ménages augmentent (respectivement +2 points et +5 points), à leur plus haut niveau depuis début 2022. Le solde d'opinion sur l'opportunité d'épargner augmente de nouveau (+4 points après +2 points), et s'établit à son plus haut niveau depuis l'existence de l'enquête mensuelle en 1987 (!). À l'inverse, celui relatif à l'opportunité d'effectuer des achats importants se replie (-1 point après +1 point) et retrouve son niveau de décembre, soit nettement en-deçà de son niveau moyen de longue période, mais tout de même en forte hausse sur un an.

Rappelons que du côté des entreprises, le climat des affaires, publié précédemment par l'Insee, a de nouveau gagné un point en février, à 96. Il reste certes en-deçà de sa moyenne de long terme (100), mais il est toutefois au-dessus du seuil de retournement empirique de l'activité, qui se situe autour de 804. En février, le climat des affaires a augmenté à la fois dans les services (+2 points à 98, après +0 point) et dans l'industrie (+1 point à 97, après  1 point). Il se replie en revanche légèrement dans le bâtiment (-1 point à 98, après +1 point), et reste stable dans le commerce de détail (à 97). Le climat de l'emploi a pour sa part décroché (-4 points après +1 point), à 94, soit son plus bas niveau depuis mars 2015, excepté pendant la crise sanitaire. Cette baisse est liée à celle du solde sur les effectifs prévus dans les services (hors intérim).

Notre opinion – Les indicateurs publiés récemment ne remettent pas fondamentalement en cause nos prévisions pour 2025 (notre scénario sera mis à jour et publié début avril). Ceux relatifs au premier trimestre sont compatibles avec nos prévisions d'une croissance modeste (+0,2%) et d'une légère hausse de la consommation des ménages en volume (+0,2%). En effet, les enquêtes confirment que le taux d'épargne devrait rester très élevé, mais le redressement du pouvoir d'achat du RDB devrait tout de même permettre cette hausse de la consommation. Le décrochage des indicateurs avancés d'emploi attire notre attention, et leur évolution restera évidemment à surveiller. Néanmoins, nous avons effectivement prévu un ralentissement très marqué de l'emploi en 2025 et une hausse sensible du taux de chômage, ces prévisions restent donc d'actualité.
 

Article publié le 28 février 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine

1 Voir notre publication réalisée à l’occasion « Conjoncture – Flash PIB : légère baisse de l’activité au T4 (-0,1%), la croissance annuelle stable à 1,1% en 2024 ».
2 Les intérimaires sont comptabilisés dans le secteur tertiaire, indépendamment du secteur dans lequel ils effectuent leur mission.
3 Un solde d’opinion est la différence entre le pourcentage de réponses positives (ou « en hausse ») et le pourcentage de réponses négatives (ou « en baisse »).
4 Voir notamment le Document de travail n°2023/2 de la Direction générale du Trésor (octobre 2023).

France – De nombreux indicateurs sans véritable surprise

Les indicateurs publiés récemment ne remettent pas fondamentalement en cause nos prévisions pour 2025 (notre scénario sera mis à jour et publié début avril). Ceux relatifs au premier trimestre sont compatibles avec nos prévisions d'une croissance modeste (+0,2%) et d'une légère hausse de la consommation des ménages en volume (+0,2%). En effet, les enquêtes confirment que le taux d'épargne devrait rester très élevé, mais le redressement du pouvoir d'achat du RDB devrait tout de même permettre cette hausse de la consommation. Le décrochage des indicateurs avancés d'emploi attire notre attention, et leur évolution restera évidemment à surveiller. Néanmoins, nous avons effectivement prévu un ralentissement très marqué de l'emploi en 2025 et une hausse sensible du taux de chômage, ces prévisions restent donc d'actualité.

Marianne PICARD, Economiste - France