Mexique – Dans l’espoir d’un accord commercial, une attente moins coûteuse qu’attendu
- 23.10.2025
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Loin des 3,4% et 3,7% enregistrés en 2022 puis 2023, inférieure au 1,2% de 2024, la croissance n’est attendue en 2025 qu’à 0,7% selon les prévisions les plus optimistes : l’économie mexicaine s’achemine donc vers une nette décélération essentiellement imputable, sans grande surprise, à l’incertitude qui entoure le libre-échange nord-américain et la continuité du traité USMCA (United States-Mexico-Canada Agreement qui a succédé, en juillet 2020, au NAFTA, North America Free Trade Agreement). Cette performance médiocre fait cependant oublier les peurs de récession de début d’année.
Le frontloading au secours d’une économie en attente
Du côté de l’offre, le frontloading, lié à la très forte hausse des importations américaines en anticipation des droits de douane, et la relative résistance des services ont soutenu une économie fragile. Les exportations du premier semestre ont dopé l’activité manufacturière, mais cela ne compense que la baisse d’activité dans le secteur de la construction et de la production minière. Du côté de la demande, au-delà de la croissance ʺsur-stimuléeʺ des exportations, celle de la consommation s’est assagie, alors que l’investissement a – naturellement – été fortement pénalisé.
Première victime de l’absence de visibilité sur le devenir de l’USMCA, l’investissement s’est récemment replié pour retrouver son niveau de fin 2023. Or, l’incertitude planant sur le libre-échange nord-américain n’affecte pas seulement l’investissement domestique mais aussi les perspectives du nearshoring. De plus, outre l’imprévisibilité américaine, l’investissement a été pénalisé par des taux d’intérêt élevés, l’incertitude liée aux élections de 2024, puis celle entourant les réformes constitutionnelles de 2024, dont les effets à long terme seront notables sur la sécurité juridique et la confiance des investisseurs. Si le (très mesuré) assouplissement monétaire offre un peu d’air, seules la levée de l’hypothèque américaine et l’issue de la révision de l’USMCA permettent d’espérer une reprise de l’investissement.
La contribution de la consommation publique à la croissance sera très faible, car 2025 est une année de ʺconsolidationʺ budgétaire. Après avoir été portée par de fortes hausses des salaires réels et un marché du travail dynamique jusqu’en 2024, la consommation des ménages marque le pas. Le marché du travail montre des signes de ralentissement, avec une décélération des créations d’emplois et un taux de chômage qui se redresse.
En cette fin d’année 2025, la fin du frontloading, le refroidissement du marché du travail et des rapatriements de fonds des travailleurs émigrés (remesas), qui sont à leur niveau le plus bas depuis treize ans, vont peser sur la croissance. Les prévisions pour 2026 tablent sur une très légère accélération de la croissance (vers 1,2%) grâce à une meilleure visibilité sur le plan commercial et un soutien budgétaire à l’économie plus élevé qu’en 2025.
Le ralentissement économique et la détente du marché du travail ont permis le recul de l’inflation vers la cible de la banque centrale (Banxico, 3+ 1%). Grâce à la baisse des taux de la Fed, Banxico a pu assouplir sa politique monétaire, progressivement, prudemment (comme toujours). L’inflation sous-jacente se montre néanmoins résistante en raison de nouveaux impôts indirects, des droits de douane imposés par le Mexique sur les biens chinois et asiatiques et des effets retardés de la dépréciation du peso. Alors que les marchés espèrent un assouplissement monétaire important aux États-Unis, espoirs qui risquent d’être déçus, il ne faut pas compter sur des baisses de taux agressives au Mexique.
Élève studieux et appliqué espère récompense
Si la situation est moins grave qu’initialement prévu, cela tient également à la stratégie mise en œuvre par la présidente, C. Sheinbaum : éviter la confrontation totale, faire preuve de patience, négocier. Le gouvernement sait qu’un retour à l’USMCA sera compliqué, mais entend préserver sa compétitivité. Les investissements étrangers se maintiennent. En effet, pour beaucoup d’entreprises, la faiblesse des coûts salariaux compense les droits de douane américains et les coûts énergétiques plus élevés au Mexique. Ce dernier n’a pas été épargné par son grand voisin (droits de douane de 50% sur acier, aluminium et cuivre, 25% sur tout produit non conforme aux règles d’origine USMCA et 10% sur l’énergie) mais il est mieux ʺtraitéʺ que le reste du monde. Le Mexique entend mettre en place des droits de douane sur les importations en provenance de Chine et d’autres pays asiatiques : à la demande de D. Trump, afin de ne pas être utilisé comme ʺcheval de Troieʺ, il aligne ainsi sa politique tarifaire sur celle des États-Unis. Les secteurs les plus impactés seraient notamment l’automobile (droits maximaux passant de 20% à 50%), suivis du textile (35 à 50%). Des droits de douane plancher seraient également instaurés sur les produits sidérurgiques ou plastiques, importants dans les importations en provenance de la Chine. Selon le gouvernement mexicain, cela s’inscrit dans la stratégie de défense de l’industrie et l’emploi et fait partie intégrante du Plan Mexico présenté par C. Sheinbaum.
Pour l’instant, couplée à une collaboration accrue pour le contrôle de l’immigration ou la lutte contre les cartels, cette stratégie porte ses fruits (un peu amers, tout de même). Le Mexique a obtenu des prolongations successives des trêves douanières et a moins souffert que le Canada. Les consultations pour la révision de l’accord USMCA ont déjà commencé. Il semble régner un climat d’optimisme ʺcontenuʺ. À l’aune des menaces originelles de D. Trump et de sa surenchère, il y a des raisons de se réjouir. En revanche, à l’aune de ce qui prévalait auparavant, il y a des raisons de s’interroger.
Article publié le 17 octobre 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine

En cette fin d’année 2025, la fin du frontloading, le refroidissement du marché du travail et des rapatriements de fonds des travailleurs émigrés (remesas), qui sont à leur niveau le plus bas depuis treize ans, vont peser sur la croissance. Les prévisions pour 2026 tablent sur une très légère accélération de la croissance (vers 1,2%) grâce à une meilleure visibilité sur le plan commercial et un soutien budgétaire à l’économie plus élevé qu’en 2025.
Jorge APARICIO LOPEZ, Economiste (stagiaire) - Amérique latine