1. En comptant sur le soutien de la politique budgétaire, contrepoids à l’adversité
2. Focus Géopolitique – L’étrange petite musique « réaliste » du monde d’après ?
3. Pays développés
4. Pays émergents
5. Secteurs d’activité
6. Marchés
7. Prévisions économiques & financières
Dans un contexte d’incertitude géopolitique persistante, mais de dissipation du brouillard commercial américain, les rythmes de croissance devraient se maintenir, voire se redresser. Les actions budgétaires contribueront à cette résistance sous des formes très diverses : de la baisse des impôts aux États-Unis à une politique budgétaire agressive au Japon, en passant par le coup de pouce keynésien britannique et les dépenses liées, d’une part, au plan NGEU et, d’autre part, à la relance allemande dans la zone euro.
CitationDans un contexte d’incertitude géopolitique persistante, mais de dissipation du brouillard commercial américain, les rythmes de croissance devraient se maintenir, voire se redresser.
Aux États-Unis, avec une croissance moyenne annuelle proche de 1,9% en 2025, la croissance a tenu bon, malgré l’incertitude – une incertitude omniprésente et parfois très pesante. La croissance, volatile en raison d’exportations nettes et de stocks bousculés par les effets de la politique commerciale de Donald Trump, s’inscrit en net recul par rapport au rythme très soutenu de 2,8% en 2024. Mais elle déjoue les prévisions de récession que certains redoutaient au lendemain de l’annonce des droits de douane (Liberation day).
Notre scénario envisage désormais une légère accélération à 2,1% en 2026 qu’un contexte de décisions politiques et économiques supposées plus favorables justifie. Celles-ci renvoient au second volet des mesures de l’administration Trump, selon le tempo que notre scénario avait dessiné fin 2024 : des mesures préjudiciables à la croissance à court terme prises rapidement, car relevant des prérogatives du président, puis, dans un second temps, des stimuli budgétaires. En 2026, la politique budgétaire devrait ainsi commencer à produire ses effets et l’incertitude, notamment sur le front commercial, s’estomper sans toutefois disparaître. Les fondamentaux économiques devraient rester sains : moindre sensibilité aux taux d'intérêt ; situation financière des ménages globalement satisfaisante malgré des poches de faiblesse localisées, concentrées sur le segment des ménages à faible revenu et des petites entreprises ; signes manifestes de ralentissement du marché du travail sans toutefois provoquer un redressement sensible du taux de chômage en raison du recul de l’immigration nette qui pèsera, à terme, sur la croissance ; poursuite des investissements dans l’IA à un rythme moins effréné, mais laissant augurer une année à nouveau solide pour les investissements non résidentiels. En revanche, la stratégie économique, et tout particulièrement les droits de douane continueront de nourrir les pressions inflationnistes. L’inflation globale atterrirait ainsi à 2,7% et l’inflation sous-jacente à près de 2,8% d’ici à fin 2026, avant que les deux indices ne s’orientent vers 2,3‑2,4% d’ici à fin 2027. L’inflation se maintiendrait au-dessus de l’objectif de 2% jusqu’à la fin de notre horizon de prévision.
Dans la zone euro, la résistance de la demande intérieure a permis de faire face à un environnement adverse et la croissance, profitant d’un acquis confortable à l’issue du troisième trimestre, pourrait atteindre 1,4% en 2025. En 2026, la bonne santé des agents privés, les conditions financières encore favorables et une politique budgétaire légèrement expansionniste permettraient d’absorber le choc de confiance lié à la guerre commerciale et à l’incertitude géopolitique. Notre scénario maintient donc son cap : celui d’une croissance alignée sur son rythme potentiel, soutenue par l’accélération de l’investissement, surtout public, dont une contribution significative provient du plan de dépenses allemand.
La croissance pourrait ainsi se situer autour de 1,2% en 2026 et 1,3% en 2027 : une résistance que des bémols viennent cependant tempérer. La concurrence accrue des produits asiatiques sur les marchés mondiaux et domestiques pénalise, en effet, la compétitivité des entreprises européennes. Aussi les risques sont-ils orientés à la baisse et imposent-ils d’être vigilants, notamment sur les évolutions sectorielles. Les ralentissements des secteurs peuvent se propager de façon séquentielle : s’ils ne se transforment pas immédiatement en « dépression » généralisée, ils peuvent, au fil du temps, susciter un ralentissement économique étendu. Enfin, malgré des taux d’inflation totale et sous-jacente tous deux prévus vers 1,8% à la fin des années 2026 et 2027, donc inférieurs à la cible de 2%, le rythme de croissance conforterait la BCE dans un statu quo jusqu’au printemps 2027.
Du côté des grandes économies émergentes, notre scénario reste plutôt positif. Le ralentissement des exportations serait limité et la croissance ne devrait guère se tasser. Sa composition pourrait se révéler plus équilibrée, avec une modération limitée de la consommation privée, tandis que les investissements pourraient gagner en dynamisme grâce à la baisse des taux d'intérêt et à la clarification de la politique douanière américaine. Notre scénario table sur une croissance du PIB de 4% en 2026, après 4,2% en 2025 : une accélération économique dans la région Europe-Moyen-Orient-Afrique fait face à un léger ralentissement en Amérique latine et en Asie, qui continuerait cependant d’afficher la plus belle performance grâce, notamment, à une croissance chinoise prévue juste sous la cible de 5%.
Sur le front monétaire, les progrès inégaux en termes de désinflation et de proximité des cibles des banques centrales justifient des partitions différentes. À un assouplissement supplémentaire de la part de la Réserve fédérale américaine, rendu difficile par une inflation plus tenace, s’oppose notamment la BCE, dans une situation plus confortable en raison d’une inflation prévue légèrement sous sa cible. Après la stabilité des taux directeurs en 2026, des mouvements timides de baisse aux États-Unis et de hausse en zone euro interviendraient en 2027.
Plus précisément, aux États-Unis, notre scénario de résistance de l’inflation et de ralentissement supplémentaire contenu du marché du travail justifie de toujours privilégier l’option « ligne dure » de la Fed. Celle-ci devrait marquer une pause jusqu’à la fin de 2026, conservant la borne haute du taux des Fed funds à 3,75%, avant de procéder à une seule baisse de 25 points de base (pdb) au deuxième trimestre 2027. Ces perspectives restent plus prudentes que celles du marché qui, prolongeant sa tendance à l’excès d’optimisme, prévoit un taux légèrement supérieur à 3% vers la fin de l’année 2026. Force est néanmoins de reconnaître que les risques entourant notre scénario sont plutôt baissiers avec, notamment, des pressions politiques et l’arrivée imminente d’un nouveau président à la Fed.
Dans la zone euro, la résistance anticipée de la croissance devrait inciter la BCE à ne pas assouplir davantage sa politique monétaire en 2026. L’inflation et, en particulier, l’inflation sous-jacente devraient continuer de décroître pour passer sous la cible de 2% fin 2026 et atteindre son point bas au début de l’année 2027. Or, en 2027, porté essentiellement par la reprise allemande, le raffermissement de la croissance pourrait susciter quelques tensions sur le marché du travail et les salaires, porteuses à terme de pressions inflationnistes. La BCE pourrait anticiper ce rebond annoncé de l’inflation et commencer à resserrer sa politique monétaire dès le début de 2027. À la stabilité des taux directeurs prévue en 2026 succéderaient deux hausses de taux (mars et septembre 2027) portant le taux de dépôt à 2,50%.
Tant aux États-Unis que dans la zone euro, les taux d’intérêt devraient, en 2026, être soumis à des pressions haussières modérées que motivent des rythmes de croissance décents et des stimuli budgétaires. En revanche, les mouvements divergents de politique monétaire anticipés pour 2027 justifient des déformations différentes des courbes de taux d’intérêt : pentification aux États-Unis et aplatissement dans la zone euro.
Alors que, pour 2026, aux États-Unis, le marché table sur un assouplissement de près de 50 pdb du taux des Fed funds, le dernier « dot plot » de la Fed indique une baisse de 25 pdb et un taux médian à long terme à 3%. Au regard de ces prévisions, la pause dans l’assouplissement monétaire que suppose notre scénario en 2026 milite en faveur d’une légère hausse du taux d’intérêt à deux ans, dont la baisse récente reflète les attentes de détente monétaire un peu trop optimistes du marché. Notre scénario anticipe un taux (US Treasury) à deux ans avoisinant 3,70% fin 2026. Poussé par une croissance légèrement plus soutenue en 2026 et par un besoin de financement public toujours élevé, notre scénario suppose un taux à dix ans à 4,50% fin 2026. En 2026, après s’être un peu aplatie au premier semestre, la courbe se pentifierait au second semestre ; en 2027, les taux d’intérêt se replieraient.
Dans la zone euro, après une pause en 2026, la BCE pourrait entreprendre un timide durcissement monétaire en 2027. Un tel scénario devrait se traduire par une remontée des taux d’intérêt couplée à un aplatissement de la courbe. Pour 2026, notre scénario (taux de swap) retient ainsi une hausse de près de 30 pdb du taux à deux ans le portant à près de 2,50%, conjuguée à un taux à dix ans subissant une augmentation moitié moindre pour se situer à 2,90% en fin d’année. L’augmentation de l’offre de dette allemande, reflet de l’expansion budgétaire, conduit à inscrire un léger redressement du rendement à dix ans : le Bund finirait l’année à 3%. Ce resserrement des conditions monétaires et financières serait moins propice aux émetteurs plus risqués, qu’ils soient émetteurs historiques de la périphérie ou qu’ils aient récemment rejoint celle-ci.
Enfin, en 2026, les écarts de rendements devraient être favorables au dollar, alors qu’il est peu probable que l’euro soit en mesure de profiter des spéculations sur le statut de monnaie de réserve de la devise américaine. Le dollar se déprécierait en 2027 à la faveur des nouvelles orientations monétaires favorables à la devise européenne.